Je te vouvoie ici comme un mensonge
comme on ment quelque fois à petit feu
et dans mes yeux que les années allongent
vous allongez le pas
vous êtes déjà vieux
déjà les souvenirs ont obscurci le songe
et je vous vois regard ouvert
fier et franc comme on peut
quand on n’a pas vingt ans et que nos yeux de verre
se brisent pour un peu à l’éclat d’être deux
À vous aimer je ploie l’échine
je bats je bats à tout rompre
et mon cœur dans les branches
s’enracine
La terre est pauvre j’ai semé
un olivier dans vos mains blanches
Vous êtes déjà vieux mon si petit amour
le cœur m’en est tombé de vous revoir
droit comme un traître et chancelant de gloire
l’aller est sans retour
l’adieu est sans recours
de vous avoir revu balbutiant l’au-revoir
sur tous les quais dans tous les ports
le long des fleuves morts
Paris et Avignon nos villes sont pareilles
elles tremblent encore des percées du soleil
À vous aimer je ploie l’échine
je bats je bats à tout rompre
et mon cœur dans les branches
s’enracine
La terre est pauvre j’ai semé
un olivier dans vos mains blanches
Oui je vouvoie ici pour mieux nous éloigner
pour défaire la poigne de l’époque
une poignée de temps que j’ai gagné
et que me reste-t-il ?
des baisers de breloque
cette main qui m’enserre et me rendra docile
pour autant que je sois lâche
cette main qui m’enserre
- la votre - je la sens monter comme un cancer
une poignée de temps la terre que je crache
À vous aimer je ploie l’échine
je me suis battue jusqu’à rompre
mon cœur et sa romance
s’égratignent
La terre est pauvre j’ai semé
une graine pour l’espérance